accueil

Cette ville est-elle vivante ?

Extraits à la volée par anne Cordier et Lénaïg Grard,
transcrits le plus fidèlement possible, de l’intervention
de Pierre Sansot au Festival International de la Ville,
vendredi 21 septembre 2001 à la Maison des Arts de Créteil

 

La ville est temps de bout en bout, à chaque instant elle se recrée, il faut qu’elle fasse fracture dans l’être. Certaines n’existent plus, elles ne reviennent plus à l’être.

Cette ville est-elle vivante ?

Pour se maintenir à l’être, il faut autant d’énergie que pour émerger de l’être. Comme chaque matin nous-mêmes nous revenons à l’être.

Sursautons ! (en gardant notre calme sur nos chaises)

Avez-vous déjà rencontré des villes vivantes ?

La ville est perpétuellement menacée de décréation, par inertie. C’est comme il y a des gens qui "aiment alors ils sont débarrassés de l’amour" ; ou des clubs qui "ont été" champions de rugby.

Etre présent au présent, être contemporain de ce que l’on est, pas par inertie, tenir tête, inventer, par l’art, par l’amour…

Presque

Presque, même presque raté, heureusement qu’il y a des choses que je ne maîtrise pas, mais je les assume

Le monde est nous, précipité de matière, de temps et d’esprit, parfois modeste, quotidien, parfois inventif

On a un patrimoine, "ah ! la belle église !", mais ça ne suffit pas, c’est pas pour autant qu’on peut s’en contenter et être nul au rugby, ne plus aimer, laisser les gosses à l’abandon…

L’avenir aussi on peut le rater.

On remplace l’élan vers l’avenir par des projets, et plus il y a de projets, moins il y a d’avenir, c’est comme au tennis, quelques fois le filet semble trop loin, il y a des villes qui n’enjambent pas, qui ne vont pas au-delà.

 

La ville vivante ? 2 critères

La ville vivante est toujours inventive, et une ville véritable me modifie.

Et on ne sait jamais qui est coupable de cette modification. C’est comme dans un vrai couple, le drame pittoresque de la scène de ménage, on ne sait plus qui a commencé.

Qui s’émerveille encore ?

Si vous n’êtes pas capable d’être étonnés le matin d’être dans cette ville, vous ne méritez pas d’être dans cette ville-là.

Il y a aussi le temps de la météo, on y peut rien et on l’escamote en en parlant tout le temps. Il y a des villes, le temps s’abat sur elles. Il y en a, on y fait être l’été, l’hiver, on ne veut pas rater le printemps dans cette ville là, là la saison advient. Cer qui prouve que le temps existe ? Vous pouvez n’être pas d’accord, comme je suis poète, je vous parle peut-être d’une ville invisible, donc je suis incollable.

Et le bonheur ? est-ce que c’est que la Ville donne des plaisirs, est-ce bon de collectionner des plaisirs ? La fulgurance

Quand la ville se nature et échappe au temps. Il y a des villes qui se permettent de temporaliser.

Les villes ont un rythme aussi, un tempo, Bordeaux, Marseille ou Lyon ont un tempo, une lumière, c’est un temps presque inaudible (qui n’a rien à voir avec la rumeur urbaine, mais avec une lumière, une manière de se promener, que j’accueille mais pas toujours).

Gaston Bachelard dit : "la société n’avance jamais du même pas". Mais ce n’est pas mauvais, à condition que ce soit une polyphonie, que ce soit différent mais que ça puisse s’accorder. La Ville est multiple, quelquefois les rythmes se heurtent, il y a des villes dans lesquelles les rythmes se chevauchent bêtement, d’autres arrivent à consonance.

Une ville, vous la connaissez lorsque vous souriez, mais seulement au bon moment. Il faut être là, à temps. L’unité est possible, déjà là dans ce déhanchement entre les 3 dimensions. Je vais essayer d’expliquer cette difficulté, par une autre difficulté. Le clair par l’obscur. Un nouveau mystère. C’est à dire que d’une ville écartelée dans l’espace, on peut faire une unité, certaines villes ont la capacité de se ressaisir, de se rassembler, de se concentrer, d’autres vont se disloquer. De même dans le temps. Et le ciel est inaudible, une ville ne se donne jamais d’un seul coup, au fur et à mesure que j’en sais un petit peu plus, j’en sais aussi un petit peu moins, si je revenais sur mes pas quelques minutes plus tard, elle ne serait pas la même.

L’inachèvement…

Qu’est-ce qui nous manquerait ? des points de musique pure ? pas forcément, même la nuit, la nuit est à vous mais vous la répercutez d’une certaine manière, vous pouvez entendre des métros très fréquents ?

Viendrais-je à bout d’elle ? Si vous aimez cette ville, vous allez multiplier les fonctions, mais n’en faites pas trop. Et il faut s’occuper d’elle, sans s’en décharger, sans considérer qu’elle est terminée. Et puis il ne faut pas que votre amour pour elle soit conditionné par les services qu’elle vous rend, les transports, les hôpitaux spécialisés… même si elle dépérit, je ne vais pas couper le lien, sinon elle est jetable, abandonnable, il faut peut-être lier son destin à une ville, c’est un moyen de justifier sa vie, et avoir aussi un moyen de la quitter.

retour à la page d'accueil

 

«arpenteurs»
9, place des Ecrins
38 600 Fontaine

+33(0)4 76 53 19 29
fax +33(0)4 76 53 16 78